Ethiopie : la guerre invisible
Depuis novembre 2020, l'Ethiopie est le théâtre d'une guerre civile qui oppose le gouvernement d'Abiy Ahmed aux rebelles du Front de libération du peuple du Tigré. Alors que les massacres de civils se multiplient, cette guerre ne semble intéresser ni les médias, ni les opinions publiques occidentales
Il est vrai que l'Histoire de l'Ethiopie est particulièrement violente. Entre 1961 et 1991, puis entre 1998 et 2000, deux guerres avec l'Erythrée voisine provoquent la mort de près de 500 000 personnes dans les deux pays.
Les tensions entre l'Ethiopie et l'Érythrée se poursuivent jusqu'en 2018, année de l'arrivée au pouvoir du premier ministre éthiopien Abiy Ahmed. Ses efforts en faveur de la démocratisation de l'Éthiopie et de l'apaisement des relations avec l'Érythrée lui valent l'obtention du Prix Nobel de la paix en 2019, récompensant la fermeture d'une page sanglante de l'histoire de son pays.
Mais Abiy Ahmed se trouve vite confronté à une nouvelle guerre. Le 4 novembre 2020, les rebelles du Front de libération du peuple du Tigré proclament l'indépendance de leur région, située dans le Nord de l'Ethiopie. Abiy Ahmed envoie l'armée et rétablit l'ordre constitutionnel. Sur le terrain, l'armée régulière affronte les rebelles du FLPT. Des centaines de soldats ont été tués de part et d'autre, mais les troupes éthiopiennes semblent prendre l'avantage.
Le FLPT décide alors de se venger sur les civils. Depuis novembre 2020, plus de 800 éthiopiens appartenant à l'ethnie des Amharas auraient été massacrés par le FLPT. Dans la nuit du 9 au 10 novembre, le village de Maï-Kadra est attaqué par le FLPT, qui vient de subir une défaite face à l'armée éthiopienne. Selon des témoignages de survivants, des femmes et des enfants auraient été massacrés à coups de bâtons, de couteaux et de machettes, ou encore étranglés avec des cordes. Au total, 600 villageois sont tués.
Suite à cette tuerie, 30 000 Ethiopiens fuient leur pays pour gagner le Soudan voisin. Le 23 décembre 2020, un nouveau massacre est commis à Metekel, où 207 civils Amharas sont assassinés par les miliciens du FLPT.
Alors que l'Ethiopie semble s'enfoncer dans une spirale de meurtres à caractère ethnique, il convient de s'interroger sur le silence quasi-général des médias occidentaux sur cette guerre. Alors que le moindre attentat commis sur le sol français fait, à juste titre, les gros titres de la presse dans le monde entier, les violences effroyables perpétrées en Afrique ne semblent intéresser personne, comme si la guerre civile y était une fatalité.
En effet, les autres pays africains ne font pas exception à ce silence. Au Niger, une centaine de villageois ont été massacrés par des djihadistes le 2 janvier 2021. L'événement a fait l'objet d'une couverture médiatique très modeste, voire inexistante. Qui a entendu parler des centaines de milliers de personnes tuées dans la guerre de tranchée qui opposa l'Ethiopie et l'Erythrée pendant près de quarante ans ? Qui a entendu parler des 2195 civils massacrés par divers groupes rebelles en République Démocratique du Congo durant l'année 2020 ? Qui a entendu parler de la guerre qui, entre 1998 et 2003, provoqua la mort de près de 5 millions de personnes dans ce même pays ?
Par chance, certains conflits sortent parfois du lot et bénéficient d'une certaine médiatisation, allant parfois jusqu'à une forte mobilisation internationale : guerre du Biafra, génocide rwandais, massacres au Darfour.
Certaines guerres "font vendre", et d'autres non. Espérons qu'en 2021, l'oeil des occidentaux et de leurs médias puisse se porter ailleurs que sur leur nombril.
Lucien Petit-Felici

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