Le handicap au travail au café Joyeux

Situé au numéro 23 de la rue Saint-Augustin, dans le deuxième arrondissement de Paris, le café Joyeux est un établissement un peu particulier. En effet, les serveurs de ce café ont pour caractéristique d'être handicapés mentaux, atteints d'autisme ou de trisomie 21.

Résultat de recherche d'images pour "café joyeux"

La création de ce café est le fruit du travail de Yann Bucaille, un entrepreneur engagé depuis longtemps dans l'accompagnement des handicapés. Yann a été profondément marqué par sa rencontre avec un autiste lui disant que ce qu'il souhaiterait par dessus tout, c'est "un boulot". Touché par le besoin de reconnaissance et de travail de cette personne, Yann Bucaille a eu l'idée du café Joyeux.  Ce café permet à ses employés en difficulté de s'intégrer au marché du travail, et aux clients d'être en contact avec des personnes en situation de handicap.

"Ce n'est peut-être pas aussi rapide et efficace qu'un café normal, mais c'est extrêmement touchant", m'assure Florent Chapel, ancien responsable de la communication du café. Avant celui de Paris, un premier établissement avait ouvert à Rennes, et "il y en aura d'autres" promet Florent Chapel.

Arrivé au café, j'interroge Mathilde, une jeune employée atteint de trisomie. Embauchée au café Joyeux il y a près d'un an, elle occupe les postes de serveuse et de caissière, et m'affirme que ce travail lui "plaît beaucoup". Elle est en effet très souriante et semble épanouie, à l'instar des autres employés de l'établissement. Cette handicapée a eu d'autres expériences dans le monde du travail. Ainsi, elle a déjà travaillé dans un grand magasin Auchan, où elle était également caissière. Elle a aussi été employée chez Cojean comme caissière et serveuse. C'est sa mère qui lui a conseillé de travailler au café Joyeux. En effet, ces précédents emplois n'étaient que de simples stages. Le café de Yann Bucaille lui permet de bénéficier d'un CDI, et ainsi d'une certaine sécurité de l'emploi. Elle m'assure qu'elle préfère bien plus son nouveau travail.

Mathilde rencontre tout de même certaines difficultés . En effet, elle parvient à rendre la monnaie sur des billets de 50 euros ou moins, mais peine à faire les calculs sur des sommes supérieures. Les employés du café rencontrent également quelques problèmes pour mémoriser les tables et leurs commandes, mais ils ont trouvé une solution simple: des jouets colorés disposés sur les tables leur rappellent qui a commandé quoi.

J'ai également eu l'occasion de discuter avec Jean-Baptiste, manager du café Joyeux. Selon lui, l'établissement a pour but de "permettre de changer le regard des autres", de "montrer que le handicap n'est pas un frein". Comme Florent Chapel, il déplore un monde "où tout va trop vite", entièrement fondé sur "l'exigence de productivité", "un monde de requins, si vous me permettez l'expression". Le café Joyeux est pour lui un moyen d'apporter "plus de joie, de sérénité, de simplicité, de bien-être et d'humilité dans le monde actuel".

Il déplore également que la société ne fournisse "pas assez d'offres d'emplois aux handicapés, à part des stages". Il dénonce les "préjugés et les à priori" auxquels les personnes handicapées sont confrontées. "Les handicapés inspirent encore trop de peur, trop de crainte. Les gens n'ont pas assez confiance en eux. Ce qu'on essaye de faire ici, c'est de casser ces préjugés".

Mais comment remédier à l'exclusion des handicapés du marché du travail ? La loi française oblige actuellement les entreprises de plus de vingt salariés à compter au moins 6% de personnes handicapées dans leurs effectifs, sous peine de payer une amende. Mais la majorité des entreprises préfèrent payer plutôt que de respecter les quotas d'handicapés. Pour Jean-Baptiste, "les quotas sont une mauvaise idée". Selon lui, "embaucher des handicapés ne doit pas être une punition, ni même une gratification. Cela doit se faire naturellement. C'est toute notre mentalité qu'il faut revoir, en ayant plus d'humilité et de tolérance vis à vis de ces gens. Il faut que l'on comprenne qu'ils peuvent réellement apporter quelque chose à la société".

Lucien Petit-Felici

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La mairie de Paris vole au secours de l'Afghanistan

L’héritage d’Edmund Burke dans la pensée politique française

Taux négatifs : les banques sont-elles devenues folles ?