L'heure de vérité pour Viktor Orban

Ce mardi, le Premier ministre hongrois s'exprime devant le Parlement européen, qui doit décider ou non de la mise en place de sanctions contre son pays. En cause, un manquement supposé du gouvernement hongrois aux valeurs fondamentales de l'Union Européenne. Cette procédure, rarissime, avait déjà été engagée contre la Pologne en 2017 suite aux mesures controversées adoptées par le parti eurosceptique Droit et justice. Le porte-parole du gouvernement hongrois, Zoltan Kovacs, s'est empressé de dénoncer "une chasse aux sorcières".

Durant sa prise de parole, Viktor Orban n'a pas vraiment joué la carte de l'apaisement avec l'assemblée : "Je défends ma patrie parce que ces valeurs sont des questions d’honneur pour les hongrois" a-t-il affirmé. Le Premier ministre a reproché aux eurodéputés de prétendre "mieux savoir que les hongrois eux-mêmes ce qui est bon pour eux". "Vous souhaitez exclure un pays qui a fait son choix de voter pour un parti à 59 % des voix. Se venger contre les hongrois n’est pas honnête, n’est pas européen", s’est-il offusqué.  "Vous avez décidé que notre pays ne pouvait pas refuser d’être un pays d’immigration. Nous ne céderons pas au chantage et notre pays défendra ses lois, contre vous s’il le faut", a-t-il assuré.



























Le Premier ministre hongrois Viktor Orban


Cela fait des années que Orban est dans le collimateur de  l'UE. Premier ministre de 1998 à 2002, puis constamment réélu depuis 2010, cet homme politique conservateur et populiste mène une politique aux antipodes de celle encouragée par Bruxelles : opposition à l'immigration, contrôle accru de l'Etat sur l'économie et la finance , défense de l'Etat-nation, Viktor Orban détonne.

Mais cette politique rencontre un certain succès. L'économie hongroise se porte bien et le Premier ministre, qui se fait le chantre de l'identité "magyare" a été confortablement réélu à son poste en avril dernier, avec 49,3% des suffrages au premier tour. En conséquence, "l'illibéralisme" professé par Orban a fait des émules en Europe. Pologne, Autriche et République tchèque en 2017, Italie en 2018, les pays européens sont de plus en plus nombreux à vouloir adopter les recettes hongroises.

Les sanctions envisagées par le Parlement européen illustrent  parfaitement les fractures qui traversent l'Europe actuelle, divisée entre "nationalistes et progressistes", selon les mots d'Emmanuel Macron. Le président français, qui se présente comme "l'opposant principal" à Orban en Europe, a même déclaré que les élections européennes de 2019 seront un référendum entre ces deux idéologies concurrentes.

Ces sanctions pourraient être pour Emmanuel Macron l'occasion de renouveler le coup fatal qu'il a infligé à la droite française, qu'il espère voir éclater entre LREM et Rassemblement National. Le parti de Viktor Orban, le Fidesz, fait en effet partie du groupe parlementaire PPE (Parti Populaire Européen) au Parlement européen. Ce groupe, dont font également partie Les Républicains français et la CSU allemande, comprend de nombreux partis conservateurs européens qui ne partagent pas tous l'illibéralisme de Viktor Orban. L'éclatement de ce groupe parlementaire entre "nationalistes et progressistes" pourrait donc constituer une victoire personnelle pour Emmanuel Macron. Celui-ci a  demandé la semaine dernière au PPE "de clarifier ses positions", "On ne peut pas tout à la fois être du côté de la chancelière Merkel et du Premier ministre Orban, c'est une certitude", a-t-il déclaré. C'est lui ou moi, semble dire le président aux conservateurs européens, sommés de choisir leur camp lors du vote des sanctions, qui se tiendra ce mercredi et qui s'annonce serré.

Lucien Petit-Felici

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