En Allemagne, Merkel appelle à se mobiliser contre l'AFD
Après plusieurs jours de violents affrontements dans la ville de Chemnitz, la chancelière allemande Angela Merkel s'est résolue à sortir de son silence par le biais de son porte-parole, Steffen Seibert. Ce dernier a dénoncé devant la presse "Ce à quoi nous avons malheureusement assisté au cours des derniers jours, y compris lors du week-end, ces marches d'extrémistes de droite et de néonazis prêts à la violence".
Le porte-parole d'Angela Merkel fait ainsi référence aux manifestations nationalistes qui secouent la troisième ville de Saxe suite au meurtre à l'arme blanche d'un homme de trente-cinq ans par deux demandeurs d'asile originaires d'Irak et de Syrie. Ce fait divers a déclenché la colère et la violence de plus de huit-mille militants d'extrême-droite, très vite confrontés à des policiers anti-émeutes et à des contre-manifestants d'extrême-gauche.
Mais selon Me Seibert, de telles manifestations "n'ont rien à voir avec le deuil d'un homme". Elles ne constitueraient qu'un "message de haine, contre les étrangers, les responsables politiques, la police et la presse libre". Face à cette démonstration de force nationaliste, le porte-parole de la chancelière a exhorté les citoyens allemands à se mobiliser: "chaque citoyen peut le faire en prenant la parole et en prenant position contre la division de notre pays", a déclaré Me Seibert.
Outre la tenue d'une contre-manifestation antifasciste ayant réuni près de trois-mille personnes, l'agglomération saxonne accueille ce lundi trois septembre un concert gratuit destiné à protester "contre le racisme et la xénophobie".
Ces affrontements entre militants d'extrême-droite et d'extrême-gauche sont révélateurs des fractures profondes des sociétés occidentales contemporaines. Les scores électoraux des nationalistes allemands ont en effet fortement augmenté en raison de leurs critiques virulentes de la politique migratoire du gouvernement de Merkel. L'Allemagne a en effet accueilli près d'un million de demandeurs d'asile entre 2015 et 2016.
Selon un sondage récent, le parti populiste et souverainiste Alternative Für Deutschland (AFD) serait ainsi crédité de 16% d'intentions de vote aux prochaines élections européennes de mai 2019. La politique d'asile d'Angela Merkel est également de plus en plus contestée au sein de son propre camp, et notamment par son ministre de l'Intérieur Horst Seehofer (CSU), qui noue de discrets contacts avec son homologue italien Matteo Salvini (Ligue du Nord). "Le jour de mon soixante-neuvième anniversaire, soixante-neuf personnes ont été expulsées", s'était ainsi réjoui Me Seehofer, qui a également affirmé qu' "en tant que citoyen", il serait "aussi descendu dans les rues" à Chemnitz.
Plus incroyable encore, la critique de l'immigration semble également gagner une partie de l'extrême-gauche allemande. Sahra Wagenknecht, la présidente du groupe Die Linke au Bundestag, a ainsi crée son propre mouvement, intitulé Aufstehen , ce qui signifie "debout" ou "réveil" en allemand. Cette femme politique proche de Jean-Luc Mélenchon entend promouvoir "une autre politique migratoire" et rompre avec "la bonne conscience de gauche sur la culture de l'accueil".
Envers et contre tous, la chancelière allemande paraît alors défendre son bilan en terme d'immigration à l'approche d'un scrutin européen qualifié par Emmanuel Macron de référendum entre nationalisme et progressisme.
Ce réveil du nationalisme allemand, qui a précipité par deux fois le monde dans la guerre, pouvait apparaître impensable il y a quelques années. Mais, selon Jean-Dominique Giuliani, président de la fondation Robert Schuman, "L'Allemagne, malgré son histoire, n'est pas à l'abri du mouvement actuel de réveil national que l'on observe à l'échelle planétaire. D'ailleurs, il n'y a pas que l'Allemagne. Les Etats-Unis, la Turquie, l'Autriche, la Suède, l'Italie, l'Inde, tout le monde y passe ! Ce mouvement se trouve accéléré par des migrations sans précédents dans l'histoire de l'humanité et par une phase de globalisation trop rapide pour nos démocraties. L'Allemagne a besoin de main d'œuvre du fait de son industrie puissante, mais l'immigration de 2015 a été trop rapide, trop violente, avec des réfugiés n'ayant pas toujours envie de s'insérer dans la société. Le modèle multiculturel allemand se retrouve donc remis en cause ".
Une forme de néo-romantisme ? Une redécouverte du sentiment national, de la passion et de l'instinct face à l'universalisme et au rationalisme hérité des Lumières ? "Un romantisme, peut-être, mais la finesse et la sensibilité en moins", tempère Me Giuliani. Selon lui, Donald Trump est loin d'un Chateaubriand ou Salvini d'un Bellini. "L'expérience politique italienne actuelle m'évoque davantage le fascisme mussolinien", se désole-t-il.
Mais comment remédier à une telle situation ? Selon Jean-Dominique Giuliani, "il faudrait beaucoup plus de fermeté dans l'intégration des immigrés". Il estime cependant que le paysage politique allemand actuel ne comporte "pas d'alternative à Merkel, elle finira son mandat". Me Giulinai en est cependant persuadé, "Ce vieux monde risque de disparaître du fait de son incapacité à se saisir des questions identitaires. Ce n'est pas qu'une parenthèse historique, c'est un nouveau monde qui se dessine sous nos yeux".
Ainsi, le "nouveau monde" prophétisé par Emmanuel Macron ne sera peut-être pas celui auquel le président de la République s'attendait.
Lucien Petit-Felici
Publié dans l'édition papier du Parisien du 4 septembre 2018
Ce réveil du nationalisme allemand, qui a précipité par deux fois le monde dans la guerre, pouvait apparaître impensable il y a quelques années. Mais, selon Jean-Dominique Giuliani, président de la fondation Robert Schuman, "L'Allemagne, malgré son histoire, n'est pas à l'abri du mouvement actuel de réveil national que l'on observe à l'échelle planétaire. D'ailleurs, il n'y a pas que l'Allemagne. Les Etats-Unis, la Turquie, l'Autriche, la Suède, l'Italie, l'Inde, tout le monde y passe ! Ce mouvement se trouve accéléré par des migrations sans précédents dans l'histoire de l'humanité et par une phase de globalisation trop rapide pour nos démocraties. L'Allemagne a besoin de main d'œuvre du fait de son industrie puissante, mais l'immigration de 2015 a été trop rapide, trop violente, avec des réfugiés n'ayant pas toujours envie de s'insérer dans la société. Le modèle multiculturel allemand se retrouve donc remis en cause ".
Une forme de néo-romantisme ? Une redécouverte du sentiment national, de la passion et de l'instinct face à l'universalisme et au rationalisme hérité des Lumières ? "Un romantisme, peut-être, mais la finesse et la sensibilité en moins", tempère Me Giuliani. Selon lui, Donald Trump est loin d'un Chateaubriand ou Salvini d'un Bellini. "L'expérience politique italienne actuelle m'évoque davantage le fascisme mussolinien", se désole-t-il.
Mais comment remédier à une telle situation ? Selon Jean-Dominique Giuliani, "il faudrait beaucoup plus de fermeté dans l'intégration des immigrés". Il estime cependant que le paysage politique allemand actuel ne comporte "pas d'alternative à Merkel, elle finira son mandat". Me Giulinai en est cependant persuadé, "Ce vieux monde risque de disparaître du fait de son incapacité à se saisir des questions identitaires. Ce n'est pas qu'une parenthèse historique, c'est un nouveau monde qui se dessine sous nos yeux".
Ainsi, le "nouveau monde" prophétisé par Emmanuel Macron ne sera peut-être pas celui auquel le président de la République s'attendait.
Lucien Petit-Felici
Publié dans l'édition papier du Parisien du 4 septembre 2018

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