Villes et champs

Aux quatre coins du monde, les élections semblent obéir à la même dynamique: une progression des partis dits "populistes". Le populisme se définit comme une idéologie faisant appel aux intérêts du peuple et prônant son recours. Les partis populistes se caractérisent parfois par la critique d'une élite, aux intérêts jugés contraires à ceux du peuple.

La liste est longue, des pays actuellement gouvernés par un parti ou un leader aux positions extrémistes: Italie, Pologne, République tchèque, Turquie, Israël, Russie, Etats-Unis, ou encore Hongrie. Outre le corpus idéologique de leurs dirigeants, ces gouvernements ont en commun un électorat: celui des villes moyennes et des campagnes.


Dans la quasi-totalité des pays développés, une coupure nette se dessine entre le peuple de la province et le peuple des grandes villes. Cette coupure existe en France depuis au moins la Révolution. Les événements de 1789 se sont en effet exclusivement déroulés à Paris.

Le peuple de la province, majoritairement paysan, profondément royaliste et catholique, n'avait que peu de chose à voir avec la république et les idéaux des Lumières. On oublie souvent que des régions entières (Vendée, Bretagne, Normandie) et des villes (Toulon, Lyon, Bordeaux) ont pris les armes contre le nouveau régime. Ces bastions royalistes ne furent repris qu'au prix de batailles et de véritables bains de sang.

Cette coupure semble en partie perdurer aujourd'hui. Alors que la population de Paris et des grandes villes semble majoritairement attachée au progressisme, à la construction européenne et à la mondialisation, ceux que l'on appelle avec mépris la "France profonde" ou les "français moyens" semblent bien plus réticents.

Ainsi, aux Etats-Unis, c'est bien "l'Amérique profonde" et les "américains moyens" qui ont constitué le socle électoral d'un Donald Trump. Encore une fois, les votants démocrates se concentraient sur les côtes et dans les grandes villes. En Turquie, ce modèle se répète lorsque l'on observe la population d'Istanbul ou d'Ankara. Celle-ci est marquée par le kémalisme, la laïcité, la modernité, l'occidentalisation et les valeurs politiques de gauche. Dès que l'on quitte ces villes pour les campagnes, on trouve une population bien plus croyante, conservatrice et nationaliste, qui constitue l'électorat d'Erdogan.

Même chose en Russie, en Hongrie, en République tchèque ou en Israël. Moscou, Saint-Petersbourg, Budapest, Prague ou Tel-aviv constituent des réservoirs de voix à une opposition plutôt marquée à gauche, pétrie de modernité, de valeurs humanistes et démocratiques.

Il convient alors de se poser la question d'une cassure dans nos sociétés modernes. Faisons-nous face à la séparation progressive entre deux peuples ? Deux pays ? Il convient impérativement de réconcilier les villes et la province, afin de retrouver le sel de nos nations. Dans le cas contraire, nous irons au devant de graves conflits. La nation se définit, selon Ernest Renan, par un sentiment d'appartenance commune à un même idéal, à une même cause. Si ce sentiment venait à disparaître, l'idée même de notre nation se retrouverait en danger.

Lucien  Petit-Felici

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