Le mouvement de protestation des EHPAD
La fin du mois de janvier 2018 a été marquée par un mouvement de grève du personnel de nombreux EHPAD (Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes), qui emploient en France près de 730 000 personnes. Suite à l'appel de plusieurs syndicats, des milliers d'employés de ces établissements ont défilé dans les grandes villes du pays, afin d'attirer l'attention du public et du gouvernement sur les nombreuses difficultés qu'ils rencontrent.
Lucien Petit-Felici
Les maisons de retraite françaises se caractérisent en effet par des conditions de vie déplorables, qui les font ressembler à de véritables mouroirs. Cette situation impacte les pensionnaires des EHPAD, mais également leur personnel, qui dénonce des conditions de travail particulièrement difficiles. Une pétition lancée par le médecin urgentiste Patrick Pelloux, dénonçant le manque de personnel de ces établissements, a dores et déjà recueilli plus de 400 000 signatures.
En effet, la principale revendication du personnel des EHPAD est une augmentation de leurs effectifs. Ils réclament ainsi un ratio de 1 agent par résident, contre une moyenne actuelle de 0,6. Ce manque de personnel s'explique par l'allongement de l'espérance de vie, qui a entraîné une augmentation considérable de la population des maisons de retraite françaises. De plus, cette augmentation du nombre de résidents s'est accompagnée d'une stagnation des dotations publiques aux EHPAD, amenant les cadences de travail du personnel a un niveau jusque là inégalé.
"Il y a trop de travail pour le personnel, et nous sommes gravement limités par nos moyens financiers", déplore le directeur d'une maison de retraite du neuvième arrondissement de Paris, que j'ai pu interroger et qui a souhaité rester anonyme. "Il nous faudrait plus de moyens, et que l'on puisse embaucher du personnel afin de permettre des soins de meilleure qualité. Là où il faudrait 10 personnes, nous en avons à peine huit, ce qui entraîne des conditions de travail insoutenables. Les seuls qui s'en sortent, ce sont les résidence autonomie, où les pensionnaires sont beaucoup moins dépendants et ne nécessitent donc pas autant de soins. Si cela continue, les EHPAD finiront par augmenter leurs prix, ce qui impactera gravement les résidents, parfois très vulnérables.", ajoute-t-il. "Il faut que le gouvernement légifère, la loi de 2002 allait dans le bon sens puisque elle a permis une amélioration du service. C'est dans ce sens qu'il faut aller".
La situation des EHPAD français ne peut plus durer. D'autant plus que le nombre de personnes âgées de plus de 75 ans en France aura doublé d'ici 2070. Le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans, lui, aura quadruplé. Dès lors, il apparaît comme fondamental que les pouvoirs publics se penchent sur ce problème.
Le personnel des EHPAD réclame également l'abrogation de la réforme de la tarification adoptée en 2015. Cette réforme a entraînée une perte nette de 200 millions d'euros pour les établissements publics. L'actuelle ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a annoncé un plan gouvernemental de 50 millions d'euros pour aider les EHPAD, mais les grévistes se montrent sceptiques.
La manière dont nous traitons nos personnes âgées en dit long sur notre société. La France aurait tout à gagner à s'inspirer des pays scandinaves, et notamment du Danemark, qui proposent à leurs seniors des maisons de retraite de grande qualité. Leur particularité ? Elles ressemblent davantage à des maisons conviviales qu'à des hôpitaux oppressants, et proposent de nombreuses activités communes à leurs pensionnaires. Rien d'irréalisable donc, pour peu que nous nous en donnions les moyens.
Lucien Petit-Felici

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