La crise nord-coréenne
Suite aux nombreuses rodomontades de Trump face au régime nord-coréen, menacé plusieurs fois de "destruction" par le "feu et la fureur", il convient de ne pas céder au bellicisme exacerbé du président américain et d'examiner la situation avec le recul historique nécessaire.
Durant les dernières années du XXe siècle, les représentants des régimes de la Corée du Sud et de son turbulent voisin du Nord se sont rencontrés plusieurs fois en vue d'une désescalade des tensions et d'une éventuelle réunification. Le langage se faisait de plus en plus apaisé et les deux Etats semblaient prêts à prendre ensemble le chemin de la paix. Mais les attentats du 11 septembre 2001 sont venus bouleverser la donne, et ont conduit le président américain George W Bush à placer la République Populaire Démocratique de Corée (RPDC) sur la liste des "états-voyous" composant "l'axe du mal". Lors de son discours sur l'état de l'Union de 2002, le président Bush déclara au Congrès que "La Corée du Nord a un gouvernement qui s'équipe de missiles et d'armes de destruction massive tout en affamant sa population". Son administration va même jusqu'à placer la Corée du Nord sur la liste des Etats finançant le terrorisme, liste où figure également Cuba (mais pas l'Arabie saoudite, étrangement). Irrité, le régime nord-coréen quitte la table des négociations et relance ses essais nucléaires.
Sans cette surenchère de la part des Etats-Unis, la péninsule coréenne vivrait peut-être en paix à l'heure qu'il est. Barack Obama, soucieux de rompre avec les errements géopolitiques de son prédécesseur, fera un geste de bonne volonté à l'égard de la Corée du Nord en retirant ce pays (et également Cuba) de la liste des Etats financiers du terrorisme.
Sans cette surenchère de la part des Etats-Unis, la péninsule coréenne vivrait peut-être en paix à l'heure qu'il est. Barack Obama, soucieux de rompre avec les errements géopolitiques de son prédécesseur, fera un geste de bonne volonté à l'égard de la Corée du Nord en retirant ce pays (et également Cuba) de la liste des Etats financiers du terrorisme.
Mais Donald Trump, lui aussi désireux de rompre avec son prédécesseur, replace la RPDC sur cette funeste liste (et pourquoi pas le Venezuela ?), tout en renouant avec la rhétorique néo-conservatrice de George W Bush. Dans un discours à l'Assemblée générale des Nations Unies, il qualifie ainsi le régime nord-coréen de "dégénéré" et va même jusqu'à reprendre l'expression d' "état voyou", popularisée par Bush.
Il convient de rappeler que les Etats-Unis ont déjà fait la guerre à la Corée du Nord, et à la Chine, entre 1950 et 1953. Ce conflit provoqua la mort de près de 4 millions de personnes (soit davantage que la guerre du Vietnam), dont la moitié étaient des civils. La Guerre de Corée manqua même de virer à la guerre nucléaire lorsque le général américain Mc Arthur planifia des bombardements atomiques sur la Chine de Mao, alliée des nord-coréens. Il fut heureusement limogé par le président Truman, soucieux de ne pas déclencher la troisième guerre mondiale. Ce conflit inutile se termina par un match nul, les belligérants parvenant à un accord de paix pour restaurer les frontières de 1950, encore en vigueur aujourd'hui.
Dans les années 1950, les forces armées chinoises et nord-coréennes étaient bien moins modernes et équipées qu'aujourd'hui. Et pourtant, elles parvinrent à arracher un match nul à la première puissance mondiale, aidée par une coalition rassemblant vingt-trois pays (parmi lesquels la France). Aujourd'hui, la Corée du Nord compte la sixième armée du monde en terme de puissance, et la quatrième plus importante en terme d'effectif, avec 1 million 106 000 soldats en service actif et 4 millions 700 000 réservistes. Le président Bill Clinton avait en son temps envisagé d'envahir la Corée du Nord, mais les estimations de son état-major prévoyaient une guerre de six mois, pouvant coûter la vie à 100 000 soldats américains. Et l'on sait que les états majors sont souvent optimistes lorsque il s'agit de déclarer une guerre. De plus, la RPDC et la Chine se sont depuis dotées de l'arme atomique. En cas de conflit, les pertes humaines pourraient alors dépasser largement celles de la guerre de 1950. Une guerre contre ce régime paraît donc suicidaire.
Mais les Etats-Unis ont toutes les cartes en main pour amener la Corée du Nord à la raison. En effet, les présidents russes et chinois (bien plus prudents que leur homologue américain), ont réussi à convaincre le gouvernement nord-coréen d'abandonner ses essais nucléaires, si les Etats-Unis cessent leurs manœuvres conjointes avec les forces armées sud-coréennes. Ces manœuvres ont lieu chaque année, et consistent à simuler l'invasion de la Corée du Nord, qui réplique généralement par un tir de missile. Ce plan russo-chinois paraît être le meilleur moyen de parvenir à une désescalade des tensions et à une paix durable dans la région. Récemment, le chef de la diplomatie américaine, Rex Tillerson, s'est dit prêt à reprendre les pourparlers de paix avec la Corée du Nord "sans aucune condition préalable". Gageons que la paix puisse trouver une chance de survie.
Lucien Petit-Felici
Lucien Petit-Felici

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