Gaullisme géopolitique et néo-conservatisme
La récente décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël a provoqué un embrasement des territoires palestiniens et une indignation de la part de la communauté internationale. Le président Emmanuel Macron a lui-même condamné cette décision, appelant à une solution diplomatique et à la reconnaissance d'un Etat palestinien.
De même, lorsque Donald Trump semblait prêt à déclarer la guerre à la Corée du Nord, le président français n'a eu de cesse d'appeler son homologue américain a davantage de prudence, laissant sous-entendre que les Etats-Unis seraient seuls en cas de conflit. Cela faisait bien longtemps que la France n'avait pas montré autant de volonté d'indépendance et de réserves face à la politique étrangère des Etats-Unis. Aura-t-il fallu un homme comme Trump pour que le gouvernement français prenne ses distances avec son allié américain ?
Dans une interview donnée au Figaro en juin 2017, Emmanuel Macron déclarait : "Avec moi, ce sera la fin d'une forme de néo-conservatisme importée en France depuis dix ans". Il critiquait également le renversement de Mouammar Kadhafi, changement de régime qualifié de stratégie d' "apprenti sorcier" et déclarait que président, il n'aurait pas mené de guerre en Libye. A propos du dictateur syrien Bachar el-Assad, il déplorait qu'on ne lui avait "pas présenté son successeur légitime". Ces déclarations constituent un changement de politique étrangère de la France, caractérisée depuis 2007 par un atlantisme marqué.
Librement inspiré des écrits du philosophe allemand Léo Strauss, le néo-conservatisme est une doctrine apparue aux Etats-Unis, qui considère que la justice et la démocratie sont les objectifs à atteindre en politique étrangère, et s'il le faut par la guerre. Cette vision guerrière des relations internationales s'oppose à la realpolitik, qui considère la stabilité internationale, la paix, la sécurité et la défense de ses intérêts comme des fins en soi. La politique néo-conservatrice des Etats-Unis est parvenue au pouvoir sous les deux mandats de Ronald Reagan, avant d'être portée à son paroxysme par George W Bush.
La France menait alors une politique étrangère indépendante, marquée par la recherche gaulliste d'une troisième voie, ou d'une troisième voix, entre les Etats-Unis et la Russie. Cette politique, menée par de brillants ministres des affaires étrangères tels que Hubert Védrine, Roland Dumas ou encore Dominique de Villepin, conduira la France a refuser d'intervenir en Irak en 2003, par un discours de Villepin aux Nations Unies qui appartient désormais à l'Histoire.
Mais cette politique prend fin avec l'élection de Nicolas Sarkozy, admirateur des Etats-Unis. Celui-ci nomme Bernard Kouchner puis Alain Juppé ministres des affaires étrangères, et remplace le personnel gaulliste du Quai d'Orsay par des néo-conservateurs à la française.
La suite est connue : réintégration du commandement intégré de l'OTAN, renversement de Mouammar Kadhafi, fermeture de l'ambassade française en Syrie. François Hollande perpétue cette politique néo-conservatrice avec son ministre des affaires étrangères Laurent Fabius, tenant d'une ligne dure face à la Russie, à l'Iran et à la Syrie.
Emmanuel Macron semble désireux de rompre avec cette politique et a donné des signaux en ce sens : invitation de Vladimir Poutine à Versailles, acceptation tacite d'un maintien de Bachar el-Assad au pouvoir, prudence face à l'Iran et à la Corée du Nord, volonté d'une solution à deux états dans la crise israélo-arabe. Assiste-t-on à un retour de la realpolitik ? La France va-t-elle retrouver une politique étrangère indépendante ? Charles de Gaulle déclarait un jour que "La France n'a pas d'amis en relations internationales, elle n'a que des intérêts". Emmanuel Macron va-t-il renouer avec une forme de gaullisme géopolitique ? L'avenir nous le dira.
Lucien Petit-Felici

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